Lorsque Donald Trump prend la parole, très souvent les temps de conjugaison, les sujets changent au cours d’une même phrase, la syntaxe est mise à mal et les conjonctions utilisées à tort et à travers. Pire encore, le président américain utilise préposition sur préposition, parenthèse dans la parenthèse…bref son message devient pour la plupart incompréhensible.
Face à ce constat, un américain a décidé de lancer une intelligence artificielle “Margaret” afin de décrypter correctement les discours de Donald Trump.
Cette idée Bill Frischling, 48 ans, codeur autodidacte, l’a eu il y a 3 ans quand il a demandé à une intelligence artificielle qu’il a développé de retranscrire un passage d’un discours de Donald Trump de 127 mots. Le résultat était édifiant: Le robot s’est crashé. “Le robot s’entêtait à vouloir suivre la ponctuation de la langue anglaise, au lieu d’identifier la ponctuation de la langue trumpienne” a expliqué Bill Frischling au Los Angeles Times.
Le développeur américain a alors décidé d’embauché un expert en informatique ayant un doctorat en "Machine Punctuation" pour enseigner à “Margaret” la grammaire et la syntaxe normales et lui apprendre à déchiffrer le langage de Donald Trump. Résultat: Le robot comprend mieux les modèles de discours de Trump et, plus important encore, comprend mieux Trump – ses tics, ses récits, ses tendances et ses habitudes – que peut-être de nombreux Américains.
“Margaret” a été conçue pour analyser chaque mot que Trump dit et la façon dont il le dit, grâce à des algorithmes étudiant une base de données qui remonte à plus de quatre décennies mais également les pauses de Trump, ses gestes de la main, son débit de paroles, les types d’adjectifs qu’il utilise, les écarts par rapport à son vocabulaire habituel et le ton de sa voix, ainsi que d’innombrables autres facteurs.
“Chaque mot qu’il dit rend Margaret plus intelligente et lui permet de faire des distinctions plus subtiles”, a déclaré Frischling.
Cela a permis à son concepteur de donner un aperçu de la nature “instable” du président américain puisque Margaret a par exemple découvert que Trump parlait plus rapidement lorsqu’il avançait un mensonge évident et que cela ne le mettait pas du tout mal à l’aise.
Pour cette I.A, Trump est prévisible. Selon les données récoltées, l’actuel président américain parle presque toujours plus vite, environ 220 mots par minute, bien plus vite que la moyenne nationale d’environ 110 à 150 mots par minute, quand il est sur le point de dire quelque chose de faux.
L’Intelligence artificielle développée par Frischling a tellement appris le “trumpien” qu’elle est aujourd’hui capable de savoir quand Trump est stressé ou son calme et même imiter ce que Trump pourrait dire en public avant lui. “Margaret a également une assez bonne idée du moment où Trump est vraiment en colère et quand il fait semblant” a expliqué son inventeur au Los Angeles Times.
Depuis sa création “Margaret” a analysé plus de 11 millions de mots issus des discours, tweets, livres, rassemblements, vidéos, passages radio et télévisés de Trump depuis de 1976 à ce jour faisant de celle-ci une véritable mine ouverte par son créateur aux journalistes, aux universitaires et à des conseillers politiques.
Le succès est tel pour cette intelligence artificielle, qu’Alexa, l’assistant personnel virtuel d’Amazon, l’utilise pour informer ses clients du calendrier de Donald Trump ou encore le trending sur Twitter. Mieux encore, plusieurs autres politiciens ont demandé l’aide de “Margaret” pour analyser la réthorique de leurs discours sans compter les nombreuses autres sollicitations d’entreprises privées afin d’améliorer leur image.
On peut tout faire faire à l’intelligence artificielle
Cependant, l’usage de “Margaret” et son succès ne cachent pas les mauvais usages potentiels qui pourraient être faits par l’I.A dans ce cadre.
C’est ainsi qu’un ancien agent de la CIA a affirmé que plusieurs pays faisaient du “profiling” des leaders mondiaux grâce à l’I.A afin de tout connaître de leur comportement et savoir comment les déstabiliser, citant par exemple la Russie sur laquelle pèse de nombreux soupçons d’intervention dans des élections dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis.
Plusieurs experts ont aussi tiré la sonnette d’alarme sur l’usage de l’I.A dans ce domaine. C’est le cas de Bradley Hayes, qui dirige le laboratoire d’intelligence artificielle et de robotique de l’Université du Colorado. Selon lui “presque n’importe qui avec un grand ensemble de données peut utiliser l’I.A pour tirer des conclusions significatives – ou pour les déformer”.
C’est ainsi qu’il a créé le compte Twitter parodique @DeepDrumpf, un compte géré par une intelligence artificielle entrainée à imiter le style des messages de Donald Trump sur le réseau social avant de l’arrêter après un succès inattendu entrainant de réelles menaces de mort sur les opposants du président américain.
Cependant, selon l’inventeur de “Margaret”, il est difficile de tromper une I.A car il existe, surtout chez les hommes politiques, une certaine forme de cohérence que l’I.A peut capter. Il cite par exemple, au Los Angeles Time, le cas de membres du Congrès que “Margaret” a étudié pour certains de ses clients privés. Résultat: ils ont tous tendance à prévoir quand ils sont sur le point de changer de politique, en concentrant davantage leurs commentaires publics sur un sujet donné et en modifiant leur langage.
Mais Donald Trump est tellement imprévisible, change tellement d’avis, que cela ne fonctionne pas sur lui: “Il peut dire,’je pense que c’est la pire chose qui soit’ à propos d’une proposition politique puis signer littéralement un décret qui l’approuve 10 heures plus tard” explique Frischling.
Et c’est cette absence de cohérence qui rend le président américain très difficile à décrypter même pour une I.A comme “Margaret”, ce qui peut laisser le champ libre à d’autres plus malveillante verser dans les Fake News, et au vu des incohérences du personnage, permettre à une large population d’y croire.