Cette erreur est devenue aujourd'hui un cas d'école. Ceux qui ont suivi un parcours universitaire dans une filière économique en ont entendu parlé ou l'ont même étudiée.
Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff sont les deux économistes universitaires auteurs du célèbre article académique de 2010 "Growth in a Time of Debt", souvent utilisé pour plaider en faveur des politiques d'austérité. Ces travaux ont montré que la croissance économique réelle moyenne ralentit (une baisse de 0,1%) lorsque la dette d'un pays augmente à plus de 90% du Produit Intérieur Brut et ce chiffre de 90% a été utilisé à plusieurs reprises dans des arguments politiques sur l'austérité de haut niveau. C'est le cas par exemple de la commission européenne dont le vice-président avait en 2013, tiré la sonnette d'alarme sur la dette des pays européens en présentant des résultats de cette étude, influençant ainsi en grande partie la politique économique européenne. Idem aux Etats-Unis où l'ancien secrétaire d'Etat américain au Trésor avait brandi les résultats de cette étude face aux députés.
Suite à un scandale qui a éclaté en 2010 peu après la publication de cet article, il s’est avéré que ce dernier contenait des erreurs importantes. Et que ces erreurs résultaient d'une mauvaise utilisation du fameux tableur Excel.

Quand l’élève rectifie le maitre
C’est l'étudiant Thomas Herndon qui s’est rendu compte de cette erreur en premier. Ses professeurs Michael Ash et Robert Pollin, du Political Economy Research Institute de l'Université du Massachusetts, avaient fixé une tâche à sa classe : choisir un article d'économie et voir s'ils pouvaient reproduire les résultats. Un bon exercice pour les chercheurs en herbe à première vue. Thomas a choisi “Growth in a Time of Debt”. Même après plusieurs essais, il ne pouvait tout simplement pas reproduire les résultats exacts.
Au cours de leur analyse, Herndon, Ash et Pollin ont obtenu la feuille de calcul réelle que les économistes ont utilisé pour leurs calculs; et après avoir analysé ces données, ils ont identifié trois erreurs. Le plus grave était que, dans leur feuille de calcul Excel, Reinhart et Rogoff n'avaient pas sélectionné la ligne entière pour calculer la moyenne des chiffres de croissance: ils ont omis les données de l'Australie, de l'Autriche, de Belgique, du Canada et du Danemark. En d'autres termes, ils n'avaient accidentellement inclus que 15 des 20 pays analysés dans leur calcul clé.
Lorsque cette erreur a été corrigée, les données de "baisse de 0,1%" sont devenues une augmentation moyenne de 2,2% de la croissance économique. Ainsi, la principale conclusion d'un article fondateur, qui a été largement citée dans les débats politiques en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et ailleurs, était invalide.

Un véritable cauchemar
Reinhart et Rogoff ont finalement admis avoir oublié de faire glisser la formule Excel vers le bas de cinq autres cellules. Ça a été une catastrophe du fait que ces résultats ont servi de rempart soutenant les politiques d’austérité. Le fait qu’ils soient faux a dû en conséquence amener à une réévaluation à la fois en Europe et aux Etats-Unis.
Il ne faut pas oublier que Carmen Reinhart était directrice adjointe du service des études du FMI et Kenneth Rogoff occupait le poste d’économiste en chef également au FMI. Ils étaient de ce fait des personnes plus qu’influentes et n’avaient quasiment pas le droit à l’erreur.
Cette erreur "d'importance politique et économique immense" et le fait que cette étude ait été largement relayée dans la presse ont entrainé une levée de bouclier dans les cercles économiques anti-restrictions budgétaires: "Combien de chômage a été provoqué par l’erreur arithmétique de Reinhart et Rogoff?", s’était même ému Dean Baker, le codirecteur du Center for Economic and Policy Research.
Mais malgré le tollé provoqué par ce scandale, la lecture faite par Matthew Yglesias directeur exécutive de VOX est peut-être la plus juste: "C’est littéralement l’article le plus influent dans les débats de politique publique sur l’importance de la stabilisation de la dette, donc cela va bien sûr tout changer. Ou plutôt, cela ne changera rien".
Effectivement, quasiment une décennie plus tard, les politiques d'austérité ont toujours autant le vent en poupe.
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