Les prophéties de la série “Black Mirror” continuent de se réaliser. Après la “notation sociale” appliquée en Chine, place à la résurrection des morts grâce à la réalité augmentée, en Corée du Sud.

La chaîne de télévision sud-coréenne MBC a permis, à une mère ayant perdu sa fille de 7 ans des suites d’une longue maladie, de renouer avec celle-ci grâce à la réalité augmentée.

Diffusée le 06 février dernier, l’émission a provoqué un tollé malgré les 8 mois de préparation. En effet, une équipe de développeurs a pu reconstituer le visage de la jeune fille et reproduire ses gestes grâce à des mouvements enregistrés par d’autres enfants du même âge, allant même jusqu’à reproduire le parc dans lequel la maman et la jeune fille avaient l’habitude de jouer.

Grâce à un masque de réalité virtuelle et de gants haptiques, la maman a non seulement pu parler à sa fille, mais également la toucher. Une scène d’une forte émotion qui a fait s’écrouler en larmes la maman.

Malgré quelques bugs, les développeurs ont réussi à recréer une personne réelle en réalité virtuelle suffisamment proche de la réalité pour pouvoir permettre de revivre quelques moments avec des personnes proches disparues et ouvre la porte à un processus thérapeutique possible pour passer l’étape cruciale du deuil.

Une question éthique

Si la mère de la jeune fille a affirmé vivre “un rêve éveillé”, une question éthique se pose par rapport à l’utilisation de la réalité virtuelle pour “ressusciter” nos proches décédés.

Selon la psychologue clinicienne Vanessa Lalo, spécialisée dans l’impact psychologique des usages numériques innovants, citée par le Nouvel Observateur, “ce genre d’expérience comporte un potentiel non négligeable pour une personne qui a déjà accompli une part du processus de deuil, est prête à lâcher prise (…) ce qu’il faut éviter, c’est de permettre au patient de se réfugier tout seul dans une immersion répétée de façon compulsive, ce qui serait dangereux”.

Pour l’équipe de développeurs de GoMyCode, bien qu’intéressante, il serait difficile de reproduire une telle expérience dans un futur proche à cause notamment de l’investissement demandé: “Il faudrait beaucoup de moyens et de temps pour réaliser un tel projet. Et il faudrait également un cadre légal adéquat pour protéger contre l’usage malveillant d’une telle technologie. Sans cela, nous pourrons tomber dans des problématiques où la technologie, au lieu de servir au bien-être risque d’être détournée pour une mauvaise raison”.

L’avenir entre la réalité et le virtuel

Si l’expérience a été une réussite -du moins sur le moment- pour la mère sud-coréenne, existe-t-il un risque que la personne finisse par confondre le réel et le virtuel, et ne souhaite plus sortir de ce virtuel réconfortant en vivant continuellement au côté d’une personne défunte dans un monde qui n’existe pas?

Pour la psychologue française, “le jour où la technologie permettra cette confusion, le risque du deuil pathologique, chez des personnes refusant de laisser partir les personnes décédées, sera une vraie question”, mais aujourd’hui, il est encore trop tôt pour en parler.

Pour l’équipe de développeurs de GoMyCode, cette question mérite d’être posée: “Peut-être qu’une telle technologie devrait être développée avec des psychologues, des médecins pour que même durant l’immersion, on puisse rappeler à la personne qu’il ne s’agit pas de la réalité”.

Si une telle expérience reste inédite, la frontière entre le réel et le virtuel tend à se rétrécir au fil des années. Reste à savoir comment ces technologies seront utilisées afin de contredire les appréhensions d’Albert Einstein qui avait affirmé qu’ “il est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité”.