Dans un marché réduit comme celui de la Tunisie, la rentabilité de plusieurs startups passe inévitablement par une stratégie d'internationalisation imaginée dès le départ lors du Business Plan.
Comme GOMYCODE, plusieurs startups tunisiennes ont réussi ce pari à l'instar d'Expensya ou d'InstaDeep parmi tant d'autres.
Pourtant, ce processus est très fragile, car il peut-être à double tranchant pour la startup. En effet, si elle réussit, elle passera inévitablement à un niveau supérieur. Cependant, si elle échoue, il en va généralement de sa survie.
Comment bien réussir son internationalisation? Quelles sont les étapes à suivre? Voici quelques éléments de réponses.
Développer sa startup à l'international: Un processus minutieux
Yehia Houry, managing director à Flat6Labs, qui a contribué au succès de plusieurs startups, indique à Gomytech que le processus d’internationalisation est minutieux et demande beaucoup d’efforts. "En général, le développement d'une startup à l'international se fait de deux façons. La première est l'ouverture sur de nouveaux marchés et la vente à l'international et la deuxième c'est produire à l'international" explique-t-il.
La production à l'international est cependant tributaire des coûts, or la Tunisie offre aujourd'hui un terrain idéal aux startups qui cherchent la minimisation de coûts. "On a de la chance en Tunisie puisque la production est moins chère qu'ailleurs, notamment sur le volet talents et matières premières" ajoute Yehia Houry.

Une troisième possibilité d'internationalisation s'ouvre aux startups, notamment à travers l'ouverture du capital. "C'est une formule assez courante chez Flat6labs, on essaye de trouver des investisseurs qui sont des investisseurs étrangers ou des Business angels basés dans d'autres pays". Ce moyen amène du financement en devises et la plupart des investisseurs, soutiennent les startups et les encouragent à ouvrir des filiales à l'étranger.
Pour Yehia Houry, Flat6labs accompagne les startups dans le processus d'internationalisation, qui se fait en plusieurs étapes: il y a tout d'abord la question du financement en premier lieu. Puis, il s'agit de se focaliser sur les fondateurs eux-mêmes et les équipes de la startup. Ensuite, il faut affiner le business model pour finalement, les aider à conquérir les marchés internationaux.
Le produit: la clé de voûte
Pour Douja Gharbi, CEO et Co-founder de Redstart Tunisie, le préalable à toute internationalisation est l'existence d'un produit capable de réussir sur les marchés visés. "La colonne vertébrale de l'entreprise c'est le marché. Il faut que la proposition de valeur s'accorde avec le marché et qu'elle soit scalable. Elle doit être capable de grandir sur un marché qui offre beaucoup plus de possibilités que le marché tunisien. Adapter le produit à la demande internationale est d'une priorité absolue" martèle l'entrepreneure.
Cela est d'autant plus important que le procédé ainsi que le produit doivent être testés, développés et approuvés. Il est à mentionner que le marché à l'international exclut les produits en phase de test. Des certifications et des autorisations sont obligatoires pour accéder à certains marchés. "Tout dépend des secteurs, parfois il faut une homologation pour les startups opérant dans l'e-Santé, par exemple. L'on se doit d'être bien préparé. Les startups sont amenées à avoir une capacité de production importante, une équipe prête, un produit testé, une proposition de valeur correspondante au marché cible" a-t-elle martelé.
Gérer le changement de dimension
Autre point important avancé par Yehia Houri, c'est la gestion du changement, étape difficile, qu'il ne faut pas galvauder. En effet, le modèle des startups se différencie de celui des PME, puisque ces premières grandissent de façon exponentielle, beaucoup plus vite. "Nous accompagnons les entrepreneurs pour qu'ils arrivent à gérer les changements plus rapidement. Quand on s'internationalise, on commence à gérer des équipes un peu partout dans le monde et parfois même on ne les rencontre pas. Ceci demande des compétences managériales d'envergure", d'où le rôle d'accompagnement joué par des structures comme Flat6Labs.
Le deuxième créneau d'accompagnement, qui est aussi une condition nécessaire pour bien réussir son internationalisation, réside dans l'évolution du business model. "Nous ramenons des experts des pays cibles où les startups veulent aller. Ces experts peuvent leur ouvrir les portes du marché visé et leur apporter les informations nécessaires" soutient-il.
Pas de "formule magique"
Aucune formule exacte n’existe cependant pour les startups voulant partir vers de nouveaux rivages. "C'est du cas par cas il n'y a pas de formule magique, exacte, pour réussir. Quelquefois, nous leur conseillons de continuer à œuvrer sur le marché local et saturer le marché avant d'aller chercher ailleurs de nouvelles opportunités. Il ne faut pas oublier qu'internationaliser une startup est extrêmement coûteux et le glissement du dinar ne facilite pas trop les choses. Plus on essaye de saturer le marché local plus on arrive à tester le produit davantage. Parfois même, les supports médiatiques contribuent à l'arrivée de nouvelles opportunités pour ces jeunes pousses" explique la CEO de RedStart Tunisie.
Internationaliser? Un risque à prendre
Il existe de nombreux obstacles qui pourraient refroidir plus d'un startupper de tenter l'internationalisation.
D'abord cela coûte très cher. Ouvrir un bureau à l'étranger et qui ne génère pas de revenus après avoir investi une somme considérable pourrait avoir de sérieuses conséquences financières sur la startup, pouvant aller du ralentissement des activités et du développement à la faillite.
De plus, le cadre juridique dans les autres pays doit être connu et maîtrisé avant de s'engager pour éviter de sortir du "légal". Ceci concerne surtout les startups de la Fintech, qui doivent se conformer aux règles imposées par les banques centrales et les ministères des Finances de chaque pays.
Enfin, les startups doivent être sur les mêmes longueurs d'ondes avec la population sur le volet culturel. Une startup tunisienne peut échouer au Maroc faute d'inadaptation de la culture. Mais bonne nouvelle, tous ces risques peuvent être évités. Il suffit d'un business plan solide, d'une consultation d'un avocat local mais surtout recruter une personne locale pour diriger la filiale.
"Il faut bien connaitre les marchés. Sortir vers l'Afrique revient à connaitre le pays visé dans cet immense continent et connaitre les lois en vigueur. Parfois, mieux vaut s'ouvrir au pays hôte par voie de partenariat par les licences. Là on peut perdre des parts de marché mais on peut entrer plus rapidement. Il faut trouver un bon partenaire, lui accorder une conséquente partie des ventes quitte à ouvrir la voie vers le marché" explique Yehia Houry.
Et d’ajouter que l'internationalisation des startups en Tunisie est généralement difficile. Mais dès qu'on sort un peu de la vision auto-centrée que l'on pourrait avoir par réflexe, il devient plus facile d'aller vers d'autres marchés. "Je veux que les entrepreneurs soient courageux et qu’ils s’ouvrent aux pays et utilisent des structures comme Fla6Labs qui ont des antennes dans d'autres pays et qui peuvent justement aider les startups à immigrer".