Étant un jeune entrepreneur tunisien, je ne peux pas ne rien partager avec vous à l’occasion de la SME. Un tel événement mondial est important pour sensibiliser la jeunesse, éveiller les entrepreneurs qui sommeillent en eux et les pousser à agir.
J’ai longtemps réfléchi à ce dont je voulais vous faire part. C’est pas les idées qui manquent, je me suis dit que je pouvais vous parler de faisabilité, de concurrence, de BMC ou de réglementation. Mais tout cela, vous le trouverez dans des cours universitaires ou en ligne.

Donc, j’ai décidé d’écrire sur ce que je considère manquant dans les sources que je viens de citer : En quoi consiste une idée ? Quel sont les challenges les plus difficiles à surmonter ? et enfin, où en est l’entrepreneuriat en Tunisie.
Maintenant, assez parler de moi, passons aux choses sérieuses…
1- Deux grands checkpoints
En vrai, il y en a quatre : L’idée, L’équipe, Le produit et l’exécution.
Nous allons nous intéresser dans cet article à l’idée.
On parlera des autres points, dans un deuxième article, promis.
1- L’idéation, pas une étape évidente !
Vous voulez lancer votre start-up, c’est génial ! Vous cherchez à droite et à gauche et vous vous lancez dans la première idée qui vous vient à l’esprit… Ça l’est moins !
Une idée ne doit pas naître pour créer un projet, un projet doit naître parce que l’idée est survenue.
Ce que je veux dire par là, c’est que votre idée se dégage d’un problème ou d’un besoin détectés.
Imaginez vous avez une idée, vous la concrétisez, vous l’offrez sur le marché, si votre produit ne vient pas combler un besoin ou résoudre un problème et donc offrir une valeur ajoutée, c’est évident, que personne ne l’achètera.
Deux choses entrent en jeu dans la phase d’idéation :

– Vision-
Votre vision à N0 peut changer après, néanmoins elle doit être la fondation même de votre projet dès la toute première étape.
Pour définir une vision, je vous propose de la concevoir comme étant une équation :
Le monde est x + Vision = Le monde est y
Le monde n’est pas connecté, avec Facebook, le monde entier est connecté. On pas les outils nécessaires pour enseigner les nouvelles technologies aux jeunes, avec GoMyCode, on possède ces outils.
– Pas d’idée sans ambition-
Par ambition, je fais référence à l’impact social, économique ou environnemental etc …
Par exemple, si X personnes peuvent se fournir mon produit ou service, Y personnes ne le peuvent pas. Il faut trouver comment faire en sorte que ces personnes ne soient pas lésées ?
Je clôturerai ce point par une remarque que je prends très à cœur.
J’ai remarqué qu’en Tunisie, on a peur de partager son idée, par méfiance de se la voir voler.
C’est un risque qu’il faut être prêt à prendre, il faut pitcher son idée à tout le monde, “non-stop” ! C’est en pitchant que vous allez convaincre les gens de votre produit et de votre vision, et c’est en vous entraînant au pitch que vous allez le maîtriser.
2- On ne peut fuir les challenges !
“the most important lesson in entrepreneurship: Embrace the struggle.”
― Ben Horowitz, The Hard Thing About Hard Things
Si on parle de manière générale, soit en dehors du cadre tunisien.
Je dirais que la chose la plus difficile est de continuer d’avancer. Le chemin pour créer votre propre entreprise n’est pas aisé. Et surtout, il est interminable !
Peu importe la chose que vous considérez être la plus difficile, elle enchaînera avec elle des défis encore plus “challenging”, comme le mentionne Ben Horowitz dans son livre “the hard thing about hard things”.
Le plus difficile ce n’est pas créer le produit c’est de le vendre. Le plus difficile ce n’est de vendre le produits c’est de réaliser des revenus. Le plus difficile ce n’est pas de réaliser des revenus, c’est de faire des profits… Bon, vous avez compris la logique, c’est une boucle sans fin !
C’est pourquoi, le vrai défis est de garder son souffle et de continuer à encaisser les challenges.

Passons maintenant au cadre Tunisien. Pour simplifier les choses, nous allons diviser les challenges en deux grandes catégories :
– Les ressources humaines
La fuite des cerveaux envers l’étranger est un vrai problème. Il faut avoir des employés compétents pour conduire un business vers sa réussite.
Et même ceux qui restent, n’hésitent pas à rejoindre les autres talents à l’étranger, dès que l’opportunité se présente.
Peut-on vraiment leur reprocher ça ?… C’est tout un autre débat.
L’important, c’est que le jeune entrepreneur tunisien a du mal à rivaliser avec la séduction des offres de travail à l’étranger.
– L’économie
La Tunisie n’est toujours pas le pays le plus “sexy” pour les investisseurs.
Les lois ancestrales qu’on suit font fuir les investisseurs, et découragent les entrepreneurs.

Ce n’est pas évident de rester motivé quand une simple procédure administrative dure plusieurs mois, ou quand on ne peut pas ouvrir un compte en devise, ou faire des règlements en devises en ligne….
L’investisseur, rationnel, et cherchant évidemment le retour sur investissement le plus sûr, n’ira pas investir dans une économie bloquée dans les années 80. En cette période, des grands groupes se sont créés et ainsi des lois réglementant l’activité commerciale les ont suivi. Mais, malheureusement, ces lois n’ont pas été mises à jour depuis …
Et quand vous désespérez des investisseurs internationaux, vous ne trouverez pas les fonds dont vous avez besoins chez des investisseurs locaux. Car tout simplement, il y en a pas… enfin, il y en a quelques uns. Peuvent-ils financer les centaines de projets qui cherchent désespérément des fonds pour se lancer ? Bien sûr que non !
Les start-up évoluent très rapidement, alors que la loi tunisienne a du mal à suivre.
Mais, il faut rendre à César ce qui est à César, la loi start-up act, a amené des changements majeurs en termes de réglementation, en faveur des entrepreneurs, comme le dégrèvement fiscales aux personnes physiques et morales, un compte spécial en devise, et le droit à la carte technologique. Mais on est encore très loin d’avoir un environnement légal propice au développement des start-up.

3- L’entrepreneuriat en Tunisie
Après la révolution de 2011 et avec le retour de plusieurs talents en Tunisie. On a commencé à remarquer un réel changement.
Dès 2016, on a eu une croissance importante dans le monde de l’entrepreneuriat. On a vu la naissance de plusieurs incubateurs et co-working spaces (on a atteint 21 co-working spaces sur le Grand Tunis en 2018). L’écosystème entrepreneurial tunisien est en train de changer, et je suis très optimiste par rapport au futur.
Il suffit d’avoir un modèle à suivre, comme l’a été Steve Jobs en 1976 avec Appel ou Bill Gates avec microsoft en 1975, pour que le reste des entrepreneurs suivent et croient que la réussite en Tunisie n’est pas un mythe.
Je finis cet article sur cette note positive, car même si j’en ai consacré une grande partie à critiquer un écosystème dépassé par des années-lumières, par rapport à ceux qu’on trouve en Europe ou en Silicone Valley, je reste confiant que l’environnement entrepreneurial en Tunisie et la jeunesse sont sur la bonne voie.
“If you’re walking down the right path and you’re willing to keep walking, eventually you’ll make progress.” Barack Obama