Depuis le passage de la crise du Covid-19 et le travail en remote -qui perdure pour certains métiers-, de plus en plus de Tunisiens rêvent de s'y remettre ou de travailler en Freelance.
En effet, travailler en Freelance offre une flexibilité qui permet à chacun d'entre nous de travailler de n'importe où: d'un coworking space, de son salon, d'un café ou un bar et même parfois sur un banc public. Mais bien sûr, certains lieux sont beaucoup plus pratiques que d'autres.
Mais si le travail en Freelance fait fantasmer, le choix de l'espace de travail est sûrement l'un des aspects les plus négligés. En effet, pour travailler en freelance, il vous faut très peu de choses: un ordinateur portable et une connexion Wi-Fi, autant dire que vous pouvez travailler partout. Pourtant le choix de votre espace de travail peut être déterminant sur votre vie professionnelle, votre vie sociale, les opportunités, votre santé mentale, voire votre productivité.
Le boom des coworking spaces
L'un des lieux les plus prisés par les travailleurs en Freelance sont les coworking spaces. Dès 2013, Cogite est venu ouvrir une brèche pour cet écosystème souvent confiné aux cafés ou à domicile. Depuis, une trentaine ont ouvert leurs portes en Tunisie.
"Un coworking space est en réalité bien plus qu'un lieu de travail. C'est un lieu qui vous fournit tout ce dont vous avez besoin pour pouvoir travailler dans les meilleurs dispositions" affirme Achref, qui se qualifie comme "le pèlerin des coworking spaces".
En effet, ce touche à tout -photographe, caméraman, monteur, animateur vidéo et designer graphique- en a essayé 8. "Un coworking space est un lieu de vie par excellence et dont la force réside dans la communauté qui la fréquente. Au départ, j'y suis allé parce que j'avais besoin d'un cadre de travail pour être performant. Au final, je me suis fait un tas d'amis et j'ai pu obtenir de très beaux contrats" explique-t-il.
Même son de cloche pour Rami, qui voit en les coworking spaces comme une opportunité d'apprendre auprès des autres: "Cela fait 2 ans que je travaille dans un coworking space. On y trouve de tout: des startups naissantes aux entreprises déjà bien installées, en passant par les freelances, les pigistes et même quelques artisans. Et tout ce microcosme s'entraide, se serre les coudes, et ça, vous ne le trouverez pas en restant chez vous ou en travaillant dans un café".
Selon lui, l'environnement des coworking spaces est propice à la motivation, à la confiance en soi et au foisonnement des idées: "Il existe une telle promiscuité entre les membres présents et une telle effusion d'idées dans différents domaines, que l'on apprend tous les jours. Mieux encore, professionnellement, le coworking space devient en quelque sorte notre carte visite".
Mais travailler dans un coworking space a un coût, et lorsque l'on débute dans la vie professionnelle et que les offres manquent, cela peut vite devenir compliqué. Cela l'a été pour Asma, qui a lancé une association destinée à venir en aide aux plus démunis à travers l'organisation de levées de fonds: "Pour avoir son propre bureau, il faut compter entre 250 et 300 dinars par mois par personne. Au départ, je pensais que je pouvais assumer, mais très vite, je n'y arrivais plus" explique Asma, qui est en plus amenée à souvent se déplacer à l'intérieur du pays.
"Et là, c'est un autre problème. A l'intérieur du pays, il n'existe pas de lieux dédiés au travail en Freelance. Je pense que ce serait bien d'avoir des coworking spaces en dehors du grand Tunis, cela permettrait aux personnes itinérantes comme moi, de pouvoir louer à la journée et à chaque fois dans le lieu où j'ai du travail" détaille la jeune trentenaire, qui depuis travaille entre son domicile, les salons de thé et les hôtels, "bien plus sécurisés pour une femme seule dans certaines régions".
Travailles, manges, dors
Houda est journaliste pigiste auprès d'un grand média tunisien. Dès l'obtention de son diplôme, elle décida de travailler en Freelance depuis son domicile: "Une des raisons pour lesquelles je voulais faire du journalisme web, c'était de pouvoir être libre de travailler d'où je voulais. J'ai travaillé en Freelance pendant 18 mois", avant de "sombrer petit à petit vers la dépression".
Si elle trouvait des aspects positifs au fait de travailler chez elle, dans son cocon, comme par exemple éviter de payer le transport et les coûts annexes au travail, la jeune femme n'a pas vu s'installer "une mortelle routine" qui a fini par avoir raison d'elle.
En effet, la motivation et l'excitation d'un premier emploi dans un grand média passé, Houda se retrouva très rapidement submergée: "Au début, c'était sympa de prendre son temps pour se réveiller, d'être chez soi, à l'aise, mais très vite la masse de travail devenait difficilement gérable. C'est rapidement devenu: Travailles, manges, dors!".
"Quand on est à domicile, on a toujours quelque chose à faire comme la vaisselle, des courses, du linge ou on est vite sollicité par autre chose comme la Télévision, et finalement cette association travail-vie d'intérieur, t'entraîne dans un tourbillon de solitude" explique-t-elle.
En effet, être en freelance, c'est être le propre maître de son temps, de ses distractions...de son temps "passé au bureau", là où vous dormez, mangez, vous amusez. Et cela peut-être extrêmement compliqué à gérer, surtout lorsque l'on vit seul.
Mais ce qui l'a le plus atteint, c'est le fait de ne pas avoir d'interactions: "Quand tu passes tes journées à travailler seule à domicile avec un certain rythme assez soutenu, tu t'habitues à une certaine forme d'oisiveté sociale. Tu ne prends plus la peine de sortir, de rencontrer des gens, jusqu'au jour où tu te rends compte que tu es seule et que tu déprimes".
Cette expérience -"qui a été longue et pénible"- a fait voir à Houda les choses sous un autre prisme: "Je pense que j'avais mal compris le concept de freelance. Être freelance, ne veut pas dire être solitaire, pas du tout. Après avoir travaillé dans une entreprise classique, loin du monde des médias, j'ai repris ma vie de freelancer mais en changeant de mindset. Je me suis installée une routine bien claire de travail pour que, même en étant chez moi, je parvienne à distinguer les heures de travail des heures de repos. Ainsi, par exemple, je n'ouvre plus mon ordinateur dans mon lit et j'ai aménagé un petit bureau destiné au travail. Cela peut paraître bête, mais cette distinction de l'espace physique a eu un fort impact mentalement".
Pour Sonia, l'expérience du freelance à domicile a été différente. Ne supportant pas la pression, cette infographiste n'a pas regretté son choix: "Cela m'a permis de mieux estimer la notion de temps et de travailler dans un cadre plus propice à la créativité. Je n'ai jamais pu m'habituer à travailler dans un bureau. C'est très difficile de réfléchir, de s'améliorer dans un environnement classique de travail, sans compter la pression et les changements parfois trop rapides imposés par nos supérieurs" note-t-elle.
Quand le freelance devient "un kif"
Pour elle, le plus important reste tout de même l'inspiration au détriment de la concentration: "Il m'arrive de ne pas du tout être inspirée à la maison, alors je change d'endroit pour trouver cette inspiration. Il m'est arrivé de travailler au Belvédère ou sur un transat au bord de la plage en plein hiver. C'était plus pour être dans 'le mood' que pour être au calme" assure Sonia.
Pour elle, quand on est freelance, on doit se créer son propre "kif": "Tout tourne autour de ça. Si on est de mauvaise humeur, on a beau être dans le meilleur endroit du monde pour bosser, on n'y arrivera jamais".
C'est pourquoi, il est extrêmement important pour elle de bien savoir se mettre dans les meilleures conditions, même si des pannes d'inspiration peuvent arriver: "Je me parle à moi-même dans ces moments-là pour me motiver. Quand on est freelance, c'est un travail difficile que l'on doit faire nous-même. Il faut une sacrée dose de responsabilité et de connaissance de soi. Personnellement face à la panne, si je n'arrive pas à me motiver, je fais autre chose, de plus agréable, qui détend, et puis j'y reviens une fois l'inspiration retrouvée, et cela dépend beaucoup du lieu".
Interrogés par Gomytech, voici quelques astuces données par Sonia, Achref, Rami, Sonia et Houda pour bien choisir son espace de travail quand on est freelancer:
1) Bien savoir ce que l'on veut
Selon eux, il faut se poser certaines questions avant de choisir son lieu de travail quand on est freelancer:
- Aimez-vous être seul ou avez-vous besoin d'être entouré pour être productif?
- Est-ce que votre travail nécessite un réseau pour vous appuyer techniquement ou non?
- Vous sentez-vous suffisamment à l'aise chez vous? Travailler à domicile empiète-t-il ou non sur vos moments de break?
En répondant à ces questions vous pourrez avoir une idée assez précise de l'espace de travail idéal pour vous et vos besoins.
2) Savoir poser un cadre clair et se poser des limites
Quand on travaille à domicile, il faut savoir se poser un cadre clair et se donner des routines de travail, comme par exemple, ne pas travailler dans son lit, ne pas travailler en pyjama... Ces routines permettront d'installer un cadre de travail clair et limité afin de ne pas empiéter sur votre vie privée et ne pas vous donner l'impression que vous ne faites que travailler.
Ce cadre est aussi valable quand vous travaillez en outdoor ou dans un coworking space. Faites-en sortes de maintenir une certaine discipline et d'alterner entre moments de concentration et moments de détente.
3) S'accorder du temps
Le problème majeur que rencontrent la plupart des freelancers est de ne plus savoir s'arrêter de travailler. "Quand on a plusieurs contrats, on a tendance à vouloir tout faire en même temps en un laps de temps court. Du coup, on ne s'accorde plus de temps. Cela peut devenir contreproductif et vous faire perdre vos nerfs" assure Houda.
En effet, il est extrêmement important de bien gérer votre temps. Quand on est en Freelance, on a tendance à vouloir rajouter sans cesse du travail à sa journée et s'oublier. Or il est important de savoir parfois couper pour se détendre et revenir plus frais.
Cet article est inspiré de l'article "Stuff They Don't Tell You: Where to work?" publié sur WePresent.