Les données sont désormais les pièces maitresses de l’échiquier. N’ayant pas encore fini de faire couler l’encre, la technologie a su rattraper et pousser vers l’avant toutes les branches d’activités, façonnant la création de valeur et accentuant le rendement des facteurs de production. Et la sphère financière n’en est pas inerte et n’accuse aucun retard. La technologie s’y est engouffrée et y a fait mouche. Les banques en lignes et les structures d’épargne se sont introduites dans nos poches, plus exactement, nos smartphones!
Selon le dernier rapport du cabinet KPMG portant sur les FinTechs, les investissements dans la technologie financière pour l’année 2019 étaient à hauteur de 135.7 milliards de dollars avec plus de 2600 contrats. "De nombreuses banques numériques au Royaume-Uni et en Europe ont des aspirations internationales. Ils se tournent vers d'autres marchés pour se développer. C'est une période passionnante pour la croissance de la FinTech" a indiqué le Global Co-Leader de la FinTech de KPMG International.

FinTechs au service des opérateurs financiers
Ce phénomène, en pleine effervescence, a pris son essor depuis 2012. Mais c’est avec la crise financière mondiale de 2007 qu’il a commencé à prendre forme. Il est à noter que la FinTech ou la technologie financière existe depuis les années 80. De manière générale, le terme fait référence aux entreprises dans le secteur de la finance, généralement des startups, qui déploient de nouvelles technologies pour proposer des services financiers plus efficaces et souvent à moindre coût. Cette approche souvent disruptive place le secteur de la FinTech en concurrence directe avec les services financiers traditionnels, étant souvent des grandes entreprises. Ces derniers ont plus de difficultés à adapter et à déployer rapidement les nouvelles technologies au sein de leurs structures. Ces nouvelles technologies prennent plusieurs formes et répondent à des problématiques existantes ou émergentes dans le secteur de la finance.
Une diversité en béton
Il s’agit ici d’un secteur en constante évolution. Les FinTechs ont su placer d’innombrables technologies à leur service. Plusieurs technologies ont rassemblé les services financiers et l’ont fait progresser.
Une technologie bien déterminée a réussi à donner des sueurs froides à l’économie mondiale et a causé un brouhaha sans précédent dans la sphère financière. L’on parle de la Blockchain ou de la cryptomonnaie. Bien qu'aujourd'hui la flambée des prix de la cryptomonnaie soit un lointain souvenir, ces monnaies virtuelles et la technologie Blockchain sur lesquelles elles reposent est toujours pertinente dans de nombreuses FinTechs.
Un autre type de process que l'on retrouve: le crowdfunding ou le financement participatif. Pionnière, tout comme les cryptomonnaies, cette forme de FinTech a ouvert la voie à des formes de financement alternatif, ne passant pas par les canaux traditionnels, à savoir les banques commerciales.
Pour le paiement mobile, il a évolué à grande vitesse. C’est le cas notamment de l'Instant Pay, une méthode de transfert d'argent qui vient casser la notion, longtemps acquise, qu'un paiement doit mettre 2 à 5 jours pour être validé par une banque. L’on retrouve également d'autres méthodes de paiement innovantes qui commencent à créer des remous comme le paiement par mobile, comme Apple Pay, remettant en question la notion d’utilisation d’espèces ou de carte bancaire dans un magasin pour faire un achat.
Toujours plus surprenantes, les technologies financières ont même trouvé place au sein même de la banque et de ses données. L'Open Banking applique en effet une approche plus ouverte qui permet à certaines données bancaires d'être partagées entre une banque et certains services financiers tiers. Cette pratique est strictement encadrée, par souci légal, et ne s'applique pas sans conditions, et plusieurs banques expriment une certaine méfiance envers la pratique de l'Open Banking.
Une meilleure inclusion
C’est en Afrique que le phénomène FinTech a commencé à connaître un essor sans précédent. Il est estimé que le poids de la technologie financière dans le continent devrait se situer à 608 millions de dollars en 2018. Une véritable opportunité pour les pays africains, dont 3 d’entre eux se retrouvent sur la liste des 10 économies les plus performantes au monde cette année.
Il est à mentionner que les FinTechs génèrent des gains de productivité et renforcent le rendement des facteurs de production. L’intelligence artificielle, la blockchain, les technologies du cloud et la robotique ont déjà prouvé leur capacité à améliorer la performance de l’entreprise. Incorporer les technologies développées par les FinTechs dans les systèmes bancaires, impacte de manière conséquente les profits. Pour les banques commerciales, ces startups seraient perçues comme étant des partenaires plutôt que des menaces.
Ces nouvelles entreprises permettent à leurs clients, surtout pour la catégorie socioprofessionnelle inférieure à la moyenne, d’ouvrir un compte en banque rapidement, d’épargner et de contracter un emprunt. Comme signalé avec l’entreprise M-Shwari, une plateforme de finance numérique basée en Afrique, plus de 10 millions de clients ont pu ouvrir des comptes bancaires. 50 mille crédits sont accordés de manière quotidienne avec l’application M-Shwari. L’entreprise a ainsi prouvé la capacité des services de paiement mobiles à devenir des prestataires de produits et services financiers.
M-PESA, autre plateforme à succès, d’origine kenyane, s’est vue devenir une composante essentielle dans le quotidien de la population. Les produits proposés par la FinTech assurent des paiements quotidiens et des transferts rapides entre particuliers, par le biais du smartphone. L’on compte aujourd’hui 19 millions de souscripteurs à cette plateforme. Les virements y représentent plus de la moitié du PIB kenyan!
De l’informel au formel
La technologie financière a pu assurer une visibilité et une transparence dans les transactions, éliminant une grande partie de l’économie souterraine en la faisant sortir de l’ombre. Ce secteur informel, auparavant inconnu des autorités, est aujourd’hui présent dans les statistiques officielles. "Les outils qui se développent vont avoir un impact sur la structuration des économies, et permettre un meilleur contrôle de l'État et de l'économie" a martelé Omar Cissé, fondateur sénégalais d’InTouch SA, une FinTech africaine, ajoutant que les opérations de transferts réalisées dans le secteur informel sont maintenant tracées et enregistrées suite à l’utilisation de la plateforme.
Selon une étude menée au Massachusetts Institute of Technology (MIT), les FinTechs au Kenya ont permis à 2% de la population de sortir du seuil de pauvreté, renforçant ainsi l’incitation à entreprendre et encourageant la création de PME, et plus encore, boostant l’entrepreneuriat féminin au Kenya, un sous-secteur considéré comme étant inerte. Les entrepreneures sont bancarisées et reliées à la sphère financière au niveau local et mondial, "l'impact sur l'économie mondiale sera énorme", renchérit Catherine Wines, co-fondatrice de la société de transfert d'argent WorldRemit, au média "Le Point Afrique".
Le marché de l'emploi en profite le plus
Des banques digitales, applications de paiements, solutions de gestion… le secteur des FinTechs est en pleine expansion avec une clientèle et des investissements qui ne cessent de croitre. Cela implique des offres d’emplois en hausse exponentielle. Plus encore, les FinTechs sont considérées aujourd’hui comme étant une bénédiction pour l’emploi puisqu’elles ont non seulement créé des opportunités de travail mais aussi des métiers qui étaient auparavant inexistants.
Face à la transition digitale, le marché d’emploi continue sa plongée dans la technologie. En effet, selon le moteur de recherche d’emploi Joblift, on note en 2017 une hausse de 14% des emplois chez les acteurs de la FinTech, et ce alors que l’embauche dans le secteur bancaire fait face à un déclin de 2.4% en moyenne au cours de la dernière année, en France. L’on s’attend à un déclin supplémentaire cette année avec la crise sanitaire du Covid-19.
Ainsi de nouveaux métiers ont fait leur apparition, par exemple le data analyst, l'analyst KYC, le Growth hacker et la liste est encore longue. Il est cependant à souligner que quand bien même les FinTechs apportent une touche de modernité aux emplois, on ne peut cacher le danger guettant plusieurs métiers menacés par la digitalisation. Beaucoup de postes seront détruits par des machines et des logiciels, représentant ainsi une arme à double tranchant.
L'envers du décor
Il est à signaler que les nouvelles méthodes de transfert d'argent, tels que la cryptomonnaie, arrivent à contourner les politiques monétaires et la surveillance des autorités, impactant ainsi la gouvernance et la souveraineté monétaire de l’État, apportant fatalité et déchéance au marché financier et monétaire qui sont basés sur la transparence des transactions.
Indéniablement, les innovations portées par des vagues d’innovations technologiques, facilitent les transactions des clients de banques. Elles peuvent aussi amplifier les activités illicites, échappant à la surveillance des autorités. Plus encore, les smartphones, élevés au rang de moyens de paiements, sont sujet à des attaques virales.
Cheval de Troie, vers et spyware n’épargnent aucun appareil. Les identifiants des clients peuvent être perdus. Les FinTechs ont beau essayer d’assurer le maximum de protection, en misant sur les authentifications biométriques, mais rien ne semble efficaces contre des pirates cherchant à infiltrer le maximum de comptes, internet aidant.
Le retard de la Tunisie
On a beau entendre parler du Startup Act, il ne résout, toutefois pas à lui seul, les problèmes de "retard" de l'économie tunisienne en la matière. Il est dit qu’une des raisons du retard est que les directeurs IT des entreprises tunisiennes n’achètent pas les solutions créées par les jeunes pousses tunisiennes. Les applications et solutions ne manquent pourtant pas d’innovation.
Comme le reste des entrepreneurs et des génies tunisiens, les entrepreneurs tunisiens de la FinTech, ne trouvant pas leur chance de succès, choisissent l’exil et partent vers d’autres contrées plus opportunes. Les décideurs boudent depuis longtemps les nouvelles technologies et leur méconnaissance des évolutions technologiques comme le cloud, leur fait privilégier des solutions qui sont coûteuses et dépassées.
Néanmoins, les choses commencent à bouger en Tunisie. La Banque centrale de Tunisie a mis en place la SandBox, une plateforme de test des FinTechs. En effet, le candidat créateur d’une solution FinTech dépose son dossier en ligne sur la plateforme BCT-Fintech. L’analyse de son projet dure un mois. En cas de validation, l’application passe par la Sandbox pour subir une période de test.
Si le candidat réussit son passage par la Sandbox, et que son application s’avère conforme aux conditions de sécurité, ce succès va lui faciliter le contact avec les clients. Ceci va également l’aider à attirer les investissements étrangers et locaux, ce qui lui permettra surtout de gagner en visibilité.
"On est en train de préparer le terrain pour la digitalisation des métiers de la finance. Tout cela, pour créer une dynamique sur le marché. D’ailleurs, le contexte de la pandémie Covid-19, s’est avéré une bonne occasion pour développer le secteur de la FinTech. Les citoyens ont pris conscience de la valeur du contact virtuel et l’intérêt des services à distance" avait souligné Dorra Marrakchi Regaieg chef de projet stratégique Sandbox, à son lancement. On attend de voir!