Avec l’apparition de la crise sanitaire et de la propagation du coronavirus au sein de toutes les populations du monde, au tout début de cette très particulière année 2020, des millions de travailleurs dans le monde ont été appelés au licenciement alors que des centaines d’industries fermaient leurs portes ou mettaient même la clé sous la porte. Elles n’ont toutefois pas été toutes touchées par ce phénomène de contraction économique: le secteur de la santé a, sans surprise, vu la demande de soins augmenter, comme cela a été le cas au sein du système éducatif, de la vente de produits en ligne et des services technologiques.

Dans ce contexte, plusieurs sont les travailleurs à avoir exprimé un souhait de reconversion professionnelle, un choix qui est même devenu courant. Dans un pays comme la France, cela était déjà clairement le cas en 2019, selon ce que démontre une étude menée auprès de 2083 actifs français par l'AEF (Agence Education et Formation) Info.

Le magazine économique français La Tribune rapporte que 93% des sondés déclarent ainsi avoir déjà songé à une reconversion, un an avant le confinement. Parmi eux, 38 % auraient déjà franchi le cap. Un écart de chiffre qui s'explique en partie par les difficultés, notamment bureaucratiques, présentées par le processus de reconversion professionnelle. Cette dernière "doit en effet s'inscrire dans un projet professionnel réfléchi, en accord avec ses propres compétences (pour cela, il est bien souvent recommandé d'effectuer un bilan de compétences dont les tarifs oscillent entre 1000€ et 3000€), les possibilités de formation et les éventuelles perspectives ouvertes ou non par la profession visée", indique La Tribune.

Et pendant le confinement, une enquête sur "les actifs français et la reconversion professionnelle", réalisée en ligne du 19 au 25 juin avec l’institut BVA auprès d’un échantillon représentatif de 1000 actifs, montre que les reconversions professionnelles (initiées ou réalisées) concerneraient majoritairement des salariés (83%) du secteur privé (57%) âgés entre 25 et 49 ans, ayant fait des études supérieures. Quant au degré de mise en oeuvre de la reconversion professionnelle, il ressort de l’étude que 17% des actifs l’ont déjà réalisée, 12% sont en cours de reconversion, et 12% ont déjà commencé à se renseigner.

A noter que dans le monde post-covid, les compétences tech apparaissent clairement comme indispensables aux actifs français. Fortement liées aux métiers de la tech, les compétences comportementales jugées essentielles parmi 80% des actifs interrogés lors de l’étude citée plus haut sont la capacité de prise de décision, la confiance en soi, l’esprit d’équipe, l’organisation et la gestion du temps, la gestion du stress et des émotions, le sens du service client et la créativité. Précisément, dans le top 3 des compétences "métiers" jugées indispensables dans le monde post-covid, apparaissent la protection des données, le droit de l’internet, la gestion de projet et la gestion des bases de données.

Rééquilibrer la demande et l’offre

Prise dans leur échelle globale, les économies voient souvent leurs travailleurs opérer en temps normal des reconversions entre les différentes industries, mais à un rythme lent. En période de crise, comme celle de la pandémie de covid-19, les nécessités de la reconversion apparaissent pour répondre à des besoins "urgents", relatifs d’abord à la volonté des travailleurs de s’orienter vers des secteurs plus sécurisants, et ensuite à la nécessité d'accélérer les transferts de main-d'œuvre, comme l’écrit le Harvard Business Review.

Si de nombreux gouvernements ont mis en place des politiques redistributives offrant des prestations de chômage exceptionnelles aux travailleurs licenciés, peu de programmes ont été mis en place pour répondre à l’urgence de la nécessité de former et d'inciter les travailleurs à s’orienter vers des "secteurs de l’économie se trouvant en sous-effectif". Bien que ce type de programmes de réorientation professionnelle ne soit pas la panacée (comme le rappelle le HBR, au cours des derniers mois, la demande des consommateurs a chuté de "façon spectaculaire", rendant inévitables certaines réductions de main-d’œuvre tout autant que l’assistance économique en faveur des personnes mises brutalement au chômage), les gouvernements sont tout de même passés à côté d’une occasion essentielle de procéder à un rétablissement de l’équilibre entre la demande et l'offre de main-d'œuvre à un moment critique, ce qui pourrait pourtant largement "atténuer le choc pour de nombreux travailleurs".

L’exercice n’est pas mince. Des mécanismes d'évaluation rapide des compétences manquantes et de réorientation des travailleurs licenciés qui se retrouvés du jour au lendemain sans revenus sont nécessaires à la restauration de cet équilibre. Ce qui, en outre, nécessite une collaboration efficace, rapide et transparente entre tous secteurs touchés, car cette crise ne peut être traitée par le secteur privé ou par les institutions gouvernementales isolément.

L’exemple de la Suède: La solidité d’un écosystème fortement réactif

La Suède peut offrir un exemple éclairant pour apprécier la réussite d’une telle approche, souligne le HBR. Dans ce pays scandinave, un consortium d'entreprises privées et d'organisations du secteur public a pu prendre ce virage difficile en quelques semaines.

Oscar Stege Unger, membre du conseil d'administration de Scandinavian Airlines (SAS), qui faisait partie du consortium, a expliqué au HBR comment cette initiative est née: au cours d’une réunion extraordinaire du conseil d'administration tenue le 14 mars, "nous avons décidé, explique-t-il, de licencier temporairement 90% de tout le personnel de cabine, ce qui a été… une décision énorme à prendre". Au cours de cette discussion, "nous avons réalisé que nous aurions un grand groupe de personnes qui ne feraient presque rien et, en même temps, qu’un besoin énorme [de personnel apparaîtrait] dans nos systèmes de santé. Cette situation [n’était d’ailleurs pas si différente] d’une situation de guerre. Comme j'avais déjà travaillé [dans] la requalification, j'ai pensé que nous pourrions mettre en place un programme de formation court qui les préparerait à soutenir les infirmières et les médecins".

Ces premières réflexions ont amené Oscar Stege Unger à mettre en marche ses réseaux au sein de l'écosystème suédois, d’ailleurs de nature très soudé, en s’adressant notamment à Fredrik Hillelson, PDG de Novare Human Capital, une société suédoise de ressources humaines et de recherche, qui a ensuite contacté Johanna Adami, présidente de l'Université de Sophiahemmet. Collégialement, ils ont rapidement décidé de concevoir un programme de formation de trois jours et demi pour des postes d'infirmière assistante et ont proposé ce programme à environ 1100 membres du personnel de cabine de SAS qui avaient déjà suivi une formation médicale de base et avaient de l'expérience dans l’accompagnement des personnes en difficulté dans le cadre de leur travail de personnel navigant de cabine. Des centaines ont postulé et 30 ont été sélectionnés pour le programme pilote, deux semaines seulement après leur mise à pied. Depuis, 300 agents de cabine supplémentaires et des personnes ayant une formation antérieure équivalente dans d'autres secteurs ont été formés et travaillent maintenant dans le secteur de la santé en Suède. Le projet a ensuite été étendu au secteur des maisons de retraite pour former 200 autres employés licenciés d'entreprises telles que le Stockholm Grand Hôtel, le Courtyard by Marriott Hotel et McDonald's.

Ce processus de reconversion a été si fructueux que de nouveaux besoins d’y recourir sont par la suite rapidement apparus. En Suède, la plupart des écoles sont restées ouvertes tout au long de la crise sanitaire. Beaucoup d’entre elles ont vu un grand nombre de membres du personnel partir se confiner à domicile parce qu'on leur avait demandé de rester chez eux dans le cas où ils présentaient des symptômes de la maladie. Plusieurs de ces employés ont suivi des cours accélérés de trois jours couvrant des domaines différents mais tout en étant liés à l’éducation, tels que la planification de cours, la pédagogie de haut niveau et la gestion de situations quotidiennes en classe. Tous travaillent maintenant dans les écoles de Stockholm en tant que personnel de soutien administratif, aidant et soulageant des enseignants souvent surchargés de travail.

Des programmes mis en place rapidement mais qui pourraient se généraliser

Ce type de programmes peut évoluer vers des mécanismes de réorientation plus durables qui pourraient durer bien au-delà de la crise du Covid, indique le média universitaire. Le programme de requalification rapide est ainsi devenu une offre standard à l'université privée de Sophiahemmet deux mois seulement après le lancement du programme pilote.

Cette initiative de requalification à l’échelle nationale a mis en évidence quelques leçons précieuses. Tous les acteurs impliqués ont en effet mentionné un sentiment d’union autour d’un but commun centré sur des enjeux collectifs fondamentaux qui leur a permis d'avancer rapidement et de "manière souvent non conventionnelle". Stege Unger a ainsi souligné que bien qu'il y ait eu de bons exemples de requalification des compétences également dans le passé, "ce qui était différent cette fois, c'était que tout le monde pouvait voir l'objectif supérieur, qui dans le passé était moins évident. Cet objectif fort nous a permis de réaliser le plein potentiel de l'écosystème déjà en place".

Surmonter les obstacles

Les défis posés par la crise sont sans précédent, mais ils ouvrent également des opportunités uniques pour changer de paradigme. La pression pour agir rapidement face à une crise aux effets galopants a permis de surmonter les lourdeurs de la bureaucratie et les réglementations strictes du travail qui auraient pu freiner ce type d'initiatives audacieuses dans des circonstances plus habituelles.

Cette opportunité unique a donc dû être reconnue par le plus grand nombre des acteurs impliqués en Suède. "Les gens de l'écosystème ont collaboré pour le faire fonctionner, en agissant rapidement avec de petits pilotes et en relevant les défis lorsqu'ils sont apparus", indique le HBR, soulignant qu’en Suède, syndicats, entreprises des secteurs privé et public, universités, organisations non gouvernementales et institutions de l’Etat ont étroitement collaboré pour faire fonctionner ce processus innovant de requalification rapide.

Un potentiel inexploité

La requalification est en tout cas actuellement considérée comme un processus de longue haleine, nécessitant une sélection, une formation et une certification approfondies. En France, des travailleurs qui ont songé à une reconversion professionnelle ont été interrogés à propos des freins à la mise en œuvre de leur projet de requalification. D’abord, la nécessité de préserver leur sécurité financière (46%), le manque de maturité de leur projet (32%) ensuite et, enfin, la crainte de l'échec (28%). Mais la formation à distance semble être une solution à ce problème et ainsi augmenter les chances de réussite. Studyrama souligne que 76% de ceux qui envisagent une reconversion seraient prêts à recourir à cette modalité de formation si besoin.

Revenons en Suède. Pour que la mise en place d’une initiative de reconversion soit réussie, certaines exigences devaient être satisfaites, comme l’explique le HBR: (1) identifier clairement les besoins, (2) identifier les catégories de travailleurs qui étaient disponibles et qui possédaient des compétences liées au profil requis, ayant une formation médicale de base et une capacité à traiter avec des personnes en situation de stress, (3) déterminer quelles compétences spécifiques sont essentielles et peuvent être enseignées rapidement car, en raison de contraintes de temps sévères, la requalification ne peut pas couvrir tous les domaines, (4) affecter des travailleurs reconvertis à de nouveaux emplois et (5) veiller à ce que les normes de qualité soient respectées et contrôlées.  

L’écosystème de la Suède a pu rapidement mettre en place tout un plan de gestion de ce processus, de manière extrêmement méthodique. Si ce pays semble faire figure d’exception en matière de synergies mobilisables et de réactivité, en identifiant rapidement le secteur de la santé comme premier secteur-clé à envisager pour procéder à des reconversions, puis en étendant cette logique à divers secteurs de l’économie en manque d’effectifs, ce sont toutes les sociétés du monde, en dépit des faiblesses de leurs modèles économiques, qui devraient réfléchir à la manière dont elles pourraient accélérer ce type de transformations grâce à des programmes de requalification bien ciblés et financièrement soutenus par l’ensemble des acteurs. Les programmes pilotes de la Suède - bien que de petite taille – "suggèrent que le succès est possible", soutient encore le HBR.

Qu'en est-il de la reconversion professionnelle en Tunisie?

S'il n'existe pas de chiffres généraux concernant la reconversion professionnelle, il existe certains chiffres selon les secteurs. Ainsi, selon une étude de l’office nationale de l'artisanat tunisien (ONAT) publiée en 2019, 50% des artisans envisagent une reconversion professionnelle.

En Tunisie, plusieurs organismes visent à encourager à la reconversion professionnelle. En effet, le constat est clair: il existe une inadéquation entre les besoins des entreprises et les profils d'un grand nombre de chercheurs d'emploi.

Pour y remédier, le CORP (Centre d'Orientation et de Reconversion Professionnelle) et plus récemment l'Agence Nationale Tunisienne pour l'Emploi et le Travail Indépendant (ANETI) donnent les moyens à ceux qui sont à la recherche d'emploi de changer de cap professionnel à travers des formations plus en adéquation avec les demandes des entreprises et un accompagnement allant jusqu'à leur trouver un emploi.

Parmi ces métiers, une grande majorité sont des métiers tech: "Il existe une grande demande sur des segments liés à la Cyber-sécurité, au développement d'application, en Analyse de données ou en Intelligence artificielle" explique un conseiller d'emploi de l'ANETI à Gomytech.

Mieux encore, plusieurs entreprises encouragent aujourd'hui leurs salariés à acquérir de nouvelles compétences plus en adéquation avec les nouveaux besoins du marché.

C'est d'ailleurs dans ce cadre que GOMYCODE a lancé son programme Reskill-Upskill, en collaboration avec Tunisia JOBS, un programme, ouvert à 2000 jeunes diplômés à la recherche active d’emploi afin de bénéficier d’une formation de 4 mois garantissant leur insertion professionnelle dans les métiers tech ou pour pouvoir se donner une nouvelle chance dans la vie professionnelle.

Plusieurs études l'ont démontré: les métiers que nous connaissons aujourd’hui vont petit à petit disparaitre, alors que près de 750.000 emplois informatiques seront créés en Europe et que 250.000 en Afrique.

Mieux encore, la filière du développement a aujourd'hui le vent en poupe et recrute. Au quatrième semestre 2019, 33,8 % des jeunes tunisiens âgés entre 15 et 24 ans étaient au chômage, et 30% des chômeurs étaient des diplômés de l’enseignement supérieur: Ces personnes ont les moyens de devenir des développeurs et c'est l'opportunité qu'offre GOMYCODE.

"J'ai un diplôme en finance. J'ai décidé d'apprendre l'intelligence artificielle et de l'appliquer à ce domaine" explique Walid Mabrouk, étudiant à GOMYCODE.

Il n'est d'ailleurs pas le seul à venir suivre les formations pour changer de carrière. Ils sont nombreux issus d'autres domaines comme l'architecture, la biologie, l'agriculture ou le marketing, à avoir suivi les formations pour apprendre de nouvelles compétences dans l'optique de trouver un travail dans la tech, où de nombreuses entreprises recrutent.

"Nous continuons jour après jour à faire évoluer nos offres de formation en nous adaptant à la demande du marché, grâce notamment à notre réseau d’entreprises partenaires. Ce matching entre les formations dispensées à GOMYCODE et la demande sur le marché de l’emploi est très importante pour nous, car au delà de la formation, nous visons réellement à avoir un impact positif dans la lutte contre le chômage en préparant au mieux, les jeunes -comme les moins jeunes- générations aux métiers de demain" explique Yahya Bouhlel, CEO de GOMYCODE.

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